Portrait d'Edouard Bugnion

L’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) est l’un des membres fondateurs de la FIT. Édouard Bugnion y est Vice-Président pour l’innovation et l’impact depuis le 1er janvier 2025 et, depuis le 6 février 2025, il est également Président de la FIT.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai grandi entre Neuchâtel et Genève, avant de faire mes études d’ingénieur à l’ETH Zurich. Ensuite, j’ai passé 18 ans en Californie, où j’ai fait ma thèse de doctorat en informatique à Stanford et cofondé deux entreprises dans la Silicon Valley.
En 2012, je suis revenu en Suisse pour rejoindre l’EPFL en tant que professeur d’informatique, spécialisé dans les systèmes de centres de calcul. Depuis le 1er janvier 2025, j’ai pris le rôle de Vice-Président pour l’innovation et l’impact (VPI) à l’EPFL.

Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon projet entrepreneurial ?
On ne peut pas réduire le succès d’une start-up à un seul critère. Il faut une combinaison de plusieurs éléments : une innovation forte, une vraie différenciation (la “proposition de valeur”), un bon timing, une équipe soudée et focalisée, un environnement, des soutiens et un financement adapté… et bien sûr, une part de chance !

Quel est votre rapport personnel à l’innovation et aux start-ups ?
L’innovation et l’entrepreneuriat ont marqué toute ma carrière, et je serai toujours un entrepreneur dans l’âme. J’ai cofondé deux start-ups – VMware et Nuova Systems (acquises par Cisco) –  pour résoudre un problème concret : les grandes entreprises avaient de plus en plus de mal à gérer leur parc informatique de serveurs, et nous avons apporté une solution avec la virtualisation des serveurs et des réseaux, qui est aujourd’hui un standard dans l’industrie. A mon sens, c’est lorsqu’une start-up résout un vrai problème qu’elle rencontre du succès.

Depuis mon retour en Suisse, je me suis impliqué dans l’accompagnement des start-ups à l’EPFL et j’ai aussi siégé huit ans au conseil d’administration d’InnoSuisse, l’agence fédérale Suisse pour l’encouragement de l’innovation. Ce sont des missions qui me tiennent à cœur, car l’innovation est un moteur de croissance et de progrès.

Comment a évolué l’écosystème entrepreneurial depuis vos débuts ?
Tout a changé. Je suis arrivé en Californie en 1994, juste avant l’explosion du premier navigateur grand public, Netscape, et du Web commercial. À cette époque, le numérique n’était qu’un outil de travail, sans la connectivité et l’omniprésence qu’on lui connaît aujourd’hui. Puis, en quelques années, le monde a découvert Internet, le Cloud, le mobile, et maintenant l’IA et la réalité virtuelle.

Ce qui est intéressant, c’est que le modèle entrepreneurial et le capital-risque étaient déjà bien établis en Californie dans les années 90. En Suisse, c’était quasiment inexistant à l’époque. Aujourd’hui, les conditions ici se sont nettement améliorées, même si nous avons encore une approche plus prudente de l’échec qu’aux États-Unis.

L’EPFL est l’un des membres fondateurs de la FIT. Pouvez-vous nous raconter comment cette relation a commencé ?
Tout remonte à 1993, lorsque l’EPFL a créé son Innovation Park. Il était évident qu’il fallait aussi mettre en place des aides financières pour soutenir les jeunes entreprises issues de l’EPFL qui allaient s’y installer. L’idée était de dynamiser tout le canton, alors l’EPFL a travaillé main dans la main avec l’État de Vaud, la Banque Cantonale Vaudoise et la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie pour créer la Fondation pour l’innovation et la technologie (FIT) en 1994.

Vous êtes aujourd’hui président de la FIT. Quel rôle joue la fondation ?
Les start-ups ont besoin de capital pour croître, et la FIT leur offre un soutien crucial entre deux tours de financement. Sa force, c’est son rôle d’acteur de confiance, avec 30 ans d’expérience et une véritable crédibilité dans cet écosystème.
Beaucoup d’entreprises de la région ont bénéficié de ses services et en gardent une expérience très positive. La première fois que j’ai entendu parler de la FIT, c’était dans mes premiers mois à Lausanne en 2012, via des discussions avec d’autres entrepreneurs !

Et aujourd’hui, comment fonctionne cette collaboration entre l’EPFL et la FIT ?
Nos liens sont très forts. Nous avons une mission commune : soutenir les entrepreneur·es de la région. La FIT est un partenaire clé de l’EPFL, notamment à travers les prêts Tech Seed, qui sont de véritables tremplins pour nos start-ups, mais aussi avec les autres aides de la FIT. En 2024, sur 49 projets et start-ups soutenues par la FIT, près de la moitié sont issus de l’EPFL !

Quel regard portez-vous sur l’avenir de l’innovation en Suisse ?
Je pense qu’il faut augmenter notre ambition. Les start-ups qui innovent dans la science et la technologie doivent avoir le courage de viser l’international et d’explorer les opportunités à l’échelle mondiale.  Ceci implique d’améliorer le soutien à la phase de croissance.
Nous avons un excellent écosystème, mais il faut encore encourager cette mentalité plus audacieuse.

Texte : Julie Bocquel