En revenant en Suisse, maman de trois enfants, j’ai voulu reprendre le contrôle de mon temps. Je me suis tournée vers l’entrepreneuriat et j’ai co-fondé Crescendo Marketing, une agence de marketing stratégique. Une magnifique aventure entrepreneuriale où nous avons accompagné plus de 100 entreprises – des PME aux grandes structures – dans leur stratégie, leur positionnement et bien sûr leurs projets innovants.
Enfin, la troisième phase a débuté par un retour au Royaume-Uni où j’ai eu la chance de chance de travailler pendant trois ans pour l’Université d’Oxford et Saïd Business School en soutenant l’innovation et l’entrepreneuriat. J’ai découvert la joie et l’honneur d’accompagner des entrepreneur-e-s « early stage » dans un environnement exceptionnel. C’était aussi une combinaison parfaite avec mon expérience : stratégie, marketing, innovation, et gouvernance.
En revenant en Suisse en 2015, l’UNIL cherchait quelqu’un pour construire et diriger le HUB Entrepreneuriat et Innovation. The rest is history !
Justement, qu’est-ce qui vous anime dans votre rôle en tant que Directrice du HUB Entrepreneuriat et Innovation ?
Il y a plusieurs aspects de ce rôle qui m’animent particulièrement. Le premier est le sens de ce que nous faisons. Notre programme UCreate accompagne des étudiant-es, chercheur-ses ou jeunes alumni qui portent des projets entrepreneuriaux. Tous ces projets cherchent à résoudre une problématique sociale et/ou environnementale et nous soutenons une vision d’un entrepreneuriat responsable, qui réconcilie au mieux impact et pérennité économique. Ce n’est pas une équation facile mais c’est la clé du futur.
Le deuxième est la transmission. L’UNIL, avec ses 7 facultés, offre une diversité de projets et une énergie entrepreneuriale qui sont une source d’inspiration permanente !
La dernière est la dimension entrepreneuriale – je devrais dire intrapreneuriale – de la construction du HUB, qui s’est faite pratiquement d’une page blanche : nouvelle équipe, nouvelles initiatives, nouveau lieu – la Villanova –, nouvelle communauté. Le HUB est maintenant bien installé dans l’institution, mais j’ai la ferme intention de garder cet esprit d’entreprendre.
Si vous deviez citer une innovation marquante des dix dernières années ?
C’est à Oxford que j’ai rencontré pour la première fois des entrepreneur-es sociaux. Ces rencontres décisives m’ont poussée à adopter un regard plus large de l’innovation. Jusque-là, l’innovation se résumait dans mon esprit à un nouveau service ou produit permettant d’obtenir un avantage concurrentiel. J’ai découvert des entrepreneur-es dont l’objectif était le bien commun.
Je pense par exemple à Karen Lynch et son entreprise sociale Belu. C’était une idée visionnaire autour de l’eau en bouteille : proposer au secteur de l’hôtellerie et de la restauration une alternative durable et reverser une partie des bénéfices à une ONG active dans le domaine de l’eau, à hauteur d’un million par an.
Ce qui m’a marquée est le côté innovant du modèle d’affaire, alliant impact social, environnemental et pérennité économique, en tissant des collaborations entre des différents acteurs de l’industrie de l’eau, et avec une vision de changement systémique. Une petite révolution bienvenue dans mes paradigmes et mes modèles mentaux !
Quel est votre rapport personnel à l’innovation et aux start-ups ?
Je viens d’une famille d’entrepreneurs et cette « énergie de la création » a toujours été présente chez moi et autour de moi, même si je ne l’avais pas identifiée dès le départ. Finalement, cette dynamique réunit plusieurs éléments qui me sont essentiels : le besoin de sens, la créativité et la collaboration.
Qu’est-ce qui a changé depuis vos débuts dans le monde de l’entrepreneuriat ?
Entreprendre aujourd’hui de manière responsable, est encore plus difficile qu’hier, car les enjeux sont devenus de plus en plus complexes et pressants, et le monde de plus en plus polarisé. Sans une bonne compréhension des problématiques, même avec de bonnes intentions, un projet entrepreneurial peut faire plus de mal que de bien. On doit se poser les bonnes questions pour considérer notre impact sociétal : au-delà des considérations financières, quel est mon impact positif et quelles sont les externalités négatives ?
Selon une étude menée à l’UNIL en 2024 auprès de notre communauté, la complexité des enjeux est d’ailleurs le frein majeur pour devenir un acteur-ice de changement. Devant l’interdépendance des problématiques, on ne sait plus par où commencer ! C’est notre responsabilité en tant qu’Université de donner à nos étudiant-e-s des outils pour mieux comprendre le monde qui les entoure et les raisons qui font que nos systèmes deviennent de plus en plus défaillants.
Sur une note positive, nous avons un écosystème entrepreneurial régional de plus en plus collaboratif, ce qui est très encourageant !
L’UNIL est l’un des membres fondateurs de la FIT. Pouvez-vous nous parler de cette relation ?
Tout est parti de discussions avec Didier Schwarz (alumni HEC et directeur de FIT Digital). Je nous revois encore dans une salle de réunion en 2019 en train de nous dire : « Ce n’est pas possible que l’UNIL ne fasse pas partie de la FIT ». Il ne s’agissait pas de savoir si c’était faisable, mais plutôt de décider quand et comment. Bien que le CHUV faisait déjà partie de la FIT, il a fallu presque deux ans pour concrétiser l’intégration de l’UNIL dans la FIT en 2021.
Vous êtes membre du Comité FIT Digital. Quel est le rôle de la Fondation selon vous ?
La FIT joue un rôle fondamental dans la consolidation de l’écosystème du canton. Son positionnement est unique : elle reste neutre, en lien avec toutes les institutions académiques et entreprises. Elle facilite l’intégration des acteurs et, à travers des dispositifs comme la FIT Digital, permet d’identifier et d’accompagner des jeunes pousses prometteuses.
Au sein du jury, notre mission est de sélectionner les projets à potentiel, sur la base non seulement de leur capacité d’innovation et de mise à l’échelle mais aussi de leur impact et des équipes. C’est souvent ce dernier point sur lequel nous discutons le plus longtemps. L’entrepreneuriat reste avant tout une aventure humaine...
Si vous deviez retenir deux mots-clés pour guider les actions de la FIT et du HUB, quels seraient-ils ?
Adaptabilité : le monde autour de nous change très vite, et il faut savoir s’adapter en permanence. Pour construire un futur désirable, j’aimerais qu’on réfléchisse davantage aux critères qui font qu’un projet est retenu ou pas.
Alignement : pour garder notre énergie et rester motivé, il faut être en accord avec qui on est et ce qu’on veut accomplir. Savoir dire non à ce qui ne nous correspond pas est essentiel. Si nous ne l’appliquons pas à nous-mêmes, nous ne pouvons pas le transmettre aux autres.